Carlos Roqué Alsina est né à Buenos Aires (Argentine) le 19 février 1941, de mère hongroise et de père argentin. Il y fait ses études de piano, d’écriture, puis, en autodidacte, de composition. Dès l’âge de six ans, il mène une carrière de pianiste, donnant de nombreux récitals, d’abord en Amérique Latine, puis en Europe ainsi qu’aux Etats-Unis et au Canada. Il joue également en soliste sous la direction d’Otto Klemperer, Jasha Horenstein, Manuel Rosenthal, Michel Tabachnik, Ernest Bour, Gilbert Amy, Semyon Bychkov…
Il participe activement en tant que pianiste et compositeur aux programmes de diverses institutions musicales et artistiques: tout d’abord «Nueva Mùsica» à Buenos Aires de 1959 à 1964, puis «Artists-in-Residence» à Berlin de 1964 à 1966, qui lui permit de travailler avec Luciano Berio, et enfin, de 1967 à 1969 «The Center of Creative and Performing Arts» à New York au sein de l’Université de Buffalo. Il devient durant l’année 1966 l’assistant de Bruno Maderna au Deutsche Oper Berlin et travaille à la Juilliard School en 1969. En 1971 il reçoit le prix Guggenheim à New York pour ses œuvres «Uberwindung» et «Schichten». En 1972, après huit années passées majoritairement en Allemagne, il s’installe en France.
Il est cofondateur du groupe d’improvisation «New Phonic Art», qui l’amène à effectuer de multiples tournées internationales.
Depuis 1978 il se consacre parallèlement à l’enseignement et donne des cours en tant que professeur invité dans plusieurs institutions européennes. Naturalisé français en 1986, Carlos Roqué Alsina fut aussi professeur de piano au Conservatoire National Supérieur de Musique de Lyon pendant neuf ans.
Il a écrit jusqu’à présent plus de 120 œuvres, la majorité étant des commandes émanant d’institutions musicales, dont plusieurs pour grand orchestre, jouées dans la plupart des festivals internationaux de musique contemporaine (Venise, Berlin, Hambourg, Donaueschingen, Darmstadt, Vienne, Tanglewood, Amsterdam, Paris, Royan, Metz, Lille…).
Sa Deuxième symphonie , commandée à l’occasion de ses 50 ans par l’Orchestre de Paris, a été créée en 1992 sous la direction de Semyon Bychkov.
Pour honorer ses 60 ans et sa contribution à la vie musicale française, il a reçu en 2001 une commande spéciale du Ministre de la Culture, «Phares et Rayonnements» pour ensemble et traitement électroacoustique en temps réel.
En novembre 2004 l’Académie des Beaux-Arts (Institut de France) lui décerne le Prix de Composition Paul-Louis Weiller pour l’ensemble de son œuvre
En 2017, la Regia Accademia Filarmonica de Bologne lui commande son deuxième concerto pour piano et orchestre et le fait « Membre d’Honneur » pour son parcours artistique
Carlos Roqué Alsina est nommé en 1986 Officier dans l’Ordre National
des Arts et Lettres.
Suite pour piano et bande
Composée en 1987 à la demande du Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris pour le concours de fin d’études 1988, cette œuvre comporte quatre mouvements courts, qui constituent une sorte d’étude de comportements caractéristiques.
Le premier mouvement est basé essentiellement sur deux cellules rythmiques agissant en tant que véritables motifs, ainsi que sur des résonances de diverses durées.
Le deuxième, d’une écriture assez virtuose, met surtout en relief différents degrés de densités engendrés par des mouvements rythmiques descendants ainsi que par des variations d’arpèges.
Le troisième est une étude d’évolution harmonique, créée par des trilles et des sons dispersés.
Le quatrième propose essentiellement un développement de rythmes complexes se caractérisant par des zones de décalages instables.
Formes et Figures pour quatuor à cordes
Cette œuvre, composée en 2011 pour le Quatuor Stanislas, est fondée essentiellement sur un travail d’élaboration de cellules structurant de courts passages («figures») et les diverses relations qu’elles engendrent dans la conduction générale de la pièce.
Les passages avec un caractère précis et reconnaissable peuvent créer ou développer des convergences flexibles entre les figures, modifiant ainsi l’aperçu final de la forme. Celle-ci ne serait donc pas une structure entièrement pré-établie mais plutôt une conséquence du relief donné aux figures dans l’interprétation.
Formes et Figures a été créé par le Quatuor Stanislas à Nancy en mai 2012.
Belgirate pour violon seul
Un hommage à Belgirate, charmant village du Lac Majeur, avec ses époustouflants tournants panoramiques.
Trois mouvements se succèdent sans discontinuité dans cette œuvre pour violon . Le premier, bien que porteur d'une structure caractéristique
(déplacement d'accents dans une configuration d'appogiatures multiples) est aussi une sorte de présentation furtive des deux autres mouvements.
Dans le deuxième, un véritable dialogue s'installe entre deux conceptions musicales différentes (un perpétuel mouvement stable, dans le grave de l'instrument et une voix qui essaie d'esquisser une mélodie angoissante.
Le troisième mouvement est écrit dans un contexte faisant appel à la réelle virtuosité de l'instrument et à ses multiples possibilités sonores, dans un cadre rythmique d'énergie débordante.
Commande de l'Ensemble Stanislas et du CCAM (Scène Nationale de Vandoeuvre) en 2011, Belgirate a été créé par Alexis Galpérine à Nancy en mars 2006 lors d’un concert à l’occasion des 65 ans de Carlos R. Alsina.
A Letter, pour Quintette à vents
Commandée par le Dorian Wood-wind Quintet de New York, A Letter est fondamentalement une recherche sur les sonorités :
a) Diverses façons d’émettre le sons (produits avec l’appui du chant ou de la lecture rythmée d’un texte à l’intérieur de l’instrument)
b) Différentes possibilités de sonorisation (obtenues par cinq interrupteurs individuels, qui permettent à chaque musicien d’ouvrir ou de fermer indépendamment son amplification au moment indiqué.)
A Letter fut créée à Hilversum (Hollande) en avril 1976
Tres Canciones 0p. 1 pour soprano et piano
Cette œuvre a été écrite entre 1957 et 1958 sur un texte de Shakespeare (monologue de Marc-Antoine sur la mort de César).
Elle peut être considérée comme une étude de comportements dans un style fluctuant mais étroitement défini par rapport au texte. En effet, la première pièce possède un caractère plutôt énergique avec des rythmes récurrents et reconnaissables, sorte d’appel à un événement proche. («Friends, Romans, countrymen, lend me your ears»). Dans la deuxième pièce, («He was my friend, faithful and just to me»), l’idée de la construction mélodique prend sa force
dans une écriture dense en contrepoint et en modulation harmonique. Dans la troisième, une sorte d’accompagnement avec un rythme stable (et inexorable) met en relief le caractère tragique et angoissant du contexte («men have lost their reason. Bear with me. My heart is in the coffin»). Cette pièce finit avec un accord sans résolution, élément interrogatif présageant une future évolution musicale. (En effet, cet Opus 1 est la seule composition de l’auteur où «l’ambiance» tonale est encore percevable).
Cette œuvre n’a jamais pu être jouée, car son manuscrit – disparu lors de nombreux déménagements au début des années soixante – n’est réapparu qu’en 2011, de façon tout à fait inattendue, dans une ville argentine située à 200 km à l’ouest de Buenos Aires.
Sa «création mondiale» a eu lieu le 6 mai 2012 à Radio-France, après avoir «dormi» pendant 54 ans.
Arnold Schönberg (1874-1951): Verklärte Nacht (la Nuit Transfigurée) opus 4
Transcription pour violon, violoncelle et piano d’Eduard Steuermann (1892-1964), révisée par Carlos Roqué Alsina.
Conçu à l’origine en 1902 pour sextuor à cordes, ce chef d’œuvre de Schönberg est présenté ici dans une version très peu connue, dont c’est probablement le premier enregistrement. Steuermann, né en Galicie, avait étudié le piano à Berlin avec Busoni, qui le présenta par la suite à Schönberg, avec qui il collabora étroitement pendant de nombreuses années, notamment pour la création du Pierrot Lunaire. Il émigra dans les années trente à New York, et devint professeur à partir de 1952 à la Juilliard School, jusqu’à sa mort en 1964.
Il semble que cette transcription ait été un hommage à Schönberg à l’occasion d’un anniversaire du maître du dodécaphonisme, qui avait comme on le sait également émigré en Amérique après 1933.
Le facsimilé du manuscrit de cette version de la Nuit Transfigurée fut confié à Alexis Galpérine par le département de musique de la Library of Congress de Washington en vue d'une création française. Cette exécution eut lieu avec le concours de Jean-Louis Haguenauer et de Cécilia Tsan dans le cadre du Festival estival de Paris.