Parution: janvier 2019
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Avec cet enregistrement réalisé en public au printemps 2018 dans la magnifique chapelle du château des Lumières à Lunéville, Jean de Spengler nous livre sapropre vision de ces oeuvres mythiques, aboutissement d'un long cheminement personnel. Pour lui, ces pièces doivent être "dites" autant que "jouées", la pensée suivant son cours, tantôt affirmation, tantôt interrogation, tantôt résignation ou prière. La présentation en coffret digipak 3 CD permet d'écouter ces Suites dans l'ordre et de ressentir ainsi clairement la progression et l'élargissement de la pensée de Bach, depuis la première suite, qui ne dure pas plus de 20 minutes, à la dernière qui dépasse les 35 minutes. Ainsi, sur le troisième CD, la cinquième suite en ut mineur, toute en graves profondeurs, rend d'autant plus saisissant le contraste avec le prélude de la sixième en ré majeur, dont les sonorités aigues et triomphantes éclatent comme les trompettes du paradis.
MUSICWEB INTERNATIONAL (March 2019)
I know Jean de Spengler’s work as the cellist of Quatuor Stanislas. I have had the good fortune to review two of their recordings on the Timpani label. His latest release, Bach’s Six Cello Suites on Forgotten Records, was set down over the course of three public performances between March and May 2018. Spengler’s notes mention follow-up patching sessions. The venue is the magnificent chapel of the Château de Lunéville, an architectural gem contemporary with the composition of the Suites (1720-1725).
The booklet contains an interesting interview the cellist gave to violinist Alexis Galpérine. He shares fascinating insights into how his thoughts and practices of the Suites have evolved throughout his life as a performer. He studied them with two eminent but very different cellists, André Lévy and André Navarra. At one point he performed the Suites on a cello with gut strings and used a baroque bow, but gradually came to the realization that this was not for him. He justifies his decision to perform the Suites on a modern-sounding instrument, stating that "…the style should not triumph over the content and it is therefore better to play it on a modern instrument if you feel more comfortable on one than on a period cello (built with baroque specifications)".
The catalogue is awash with recordings of the Cello Suites. Some of my favorites are the first cycle by Paul Tortelier, Pierre Fournier’s DG recording and that of a relative newcomer David Watkin, whose cycle on the Resonus Classics label provides a compelling period-instrument account.
Spengler takes a restrained approach in general. Take the Allemande of the First Suite in G major, where he seems to savour and relish each phrase. This is similarly true of the Sarabande where he luxuriates in the resonance and darker hues of the instrument. This works very favourably in the opening measures of the Prelude of the Fifth Suite in C minor. The Sarabande of that Suite evinces a mysterious ruminative and meditative quality. By contrast, the opening of the Third Suite has a bold confidence, as does the Bourrée 1 of the Fourth Suite. Elegance and refinement define the dance movements in Spengler's performances. The Gigues of the Fourth and Sixth Suites, in particular, have an attractive rhythmic lilt. In the livelier movements, and I am thinking particularly of the Courantes and Minuets, there is never a feeling of hurriedness, yet they retain their buoyancy.
Overall, the end result of Spengler’s cycle is gratifying. Intonation is flawless, articulation is clean and tidy, and textures remain clear.
The conducive surroundings of the chapel of the Château de Lunéville provides the perfect backdrop for these captivating masterpieces. I did not detect any audience presence, and applause seems to have been edited out. Much thought has gone into the production of this release. The three discs are lovingly presented in a sturdily manufactured gatefold, which also houses a booklet in French with English translation. Those who, like myself, prefer this music performed on a modern instrument will not be disappointed.
Stephen Greenbank
www.BertrandFerrier.fr (février 2019)
Décidément, il y a quelque chose dans l’air, quelque chose de bizarre. Soit, ce disque nous est envoyé par un attaché de presse fort aimable ; soit, quand nous avons sollicité un cliché complémentaire pour illustrer cet article, le label nous l’a promptement envoyé ; donc nous ne devrions rien dire… M’enfin ! Un disque qui rassemble les Six suites pour violoncelle seul de Johann Sebastian Bach, si souvent enregistrées, et qui paraît chez un label intitulé Forgotten Records, est-ce bien cohérent ? Visiter le site de la maison d’édition phonographique n’aide pas à comprendre, car on y lit que « Forgotten Records se propose de mettre à la disposition des enregistrements devenus inaccessibles ou ayant fait l’objet d’une réédition peu satisfaisante ». Le présent triple-disque ne ressortit pas de cette catégorie (il a été enregistré en 2018), pas plus qu’il ne s’inscrit dans l’autre politique de la maison qui consiste à valoriser nombre de compositeurs peu connus. Détail, soit, car la performance qui s’étale devant nous est avant tout celle d’un musicien qui choisit de graver en trois concerts, sous les micros de Philippe André, l’un des piliers du répertoire de son instrument, capté à la chapelle du Château des lumières de Lunéville… même s’il reconnaît avec honnêteté que chaque live fut suivi d’une séance de patchs – un peu de vérité dans ce merveilleux monde de mensonges qu’est la musique savante, youpi… même si (bis) la base fut moins captée en concert que dans le cadre d’un enregistrement avec des gens, donc pas au cours d’un concert où les auditeurs auraient payé pour vivre le moment sans retenue.
Détails quand même. Car, dès les premières doubles de la Première suite en Sol, s’expose la liberté d’un instrumentiste qui a testé plusieurs approches (moderne, historiquement informée, médiane) pendant ses dizaines d’années de pratique. L’effet, ici, primera sur la note ; le propos sur la scansion. Après tout, l’avantage de jouer en solo, ni en quatuor, ni en orchestre, c’est de pouvoir se lâcher la bride ! Plutôt que de chercher à compter les temps ou à estimer que chaque note devrait être précisément énoncée ainsi qu’écrite, l’auditeur aura mille profits, du moins sur ce premier épisode, à écouter plus qu’à lire, tant il est vrai que l’artiste, coupé de toute nécessité de prouver qu’il « sait », fait vibrer ces hypertubes avec esprit, donc radicalité. Il y a de l’audace dans cette manière de couper les motifs de l’Allemande (et à y laisser des bruits de vie, comme à 4’43) ; à dilater l’interstice entre les croches voire entre certaines doubles de la Courante ; à attaquer avec une telle vigueur le Premier menuet (sans doute pour que le « Moderato » contraste mieux avec le « Lento » de la Sarabande et ses interminables reprises) ; à autant jouer les accents dans la Gigue finale ; et à proposer une prise de son aussi proche du violoncelle, privilégiant la chaleur du son à son épanouissement via une éventuelle résonance. Oui mais voilà : ces audaces stimulent l’écoute ce qui, à ce stade du parcours, est pour le moins joyeux.
Rien d’Allegro dans l’Allegro moderato dans la Deuxième suite en ré mineur. Jean de Spengler joue la solennité grave, au point de rendre l’Allemande – danse réputée grave – qui suit presque guillerette. Elle est pourtant jouée avec la retenue requise, comme le prouve l’énergie de la Courante plus « Allegro », elle, que « non troppo ». Ces contrastes pensés contribuent au charme de la proposition d’intégrale où chaque pièce constitue à la fois un tout et la partie d’un puzzle. En témoignent la Sarabande, son tempo très lent (même si Micha Maisky réussit à la jouer 1’ plus lent… contrairement à Jean-Guilhen Queyras, 2’30 plus prompt que l’Israélien), ses nombreuses doubles et triples croches, posée comme une suspension au cœur de la suite. Le Premier menuet, pourtant « Moderato », n’en sautille que mieux – en partie grâce à ses nombreux accords attaqués avec gourmandise comme en témoigne l’absence de deuxième reprise. La Gigue, qui conclut la suite, paraît presque sage en dépit de sa tension fondamentale de « pièce joyeuse en mineur »… et de petites scories (0’55 – comme toujours, faut bien laisser supputer que l’on écoute les disques, pas que les communiqués de presse).
Le Prélude de la Troisième suite en Do commence par chercher sa voie dans la gamme ; ensuite s’élargit le spectre des bariolages, qui s’atténue pour revenir à des énoncés de gammes brisées ; enfin, des accords tâchent d’animer cette morne plaine. Les différences d’intensité et le soin apporté aux différentes attaques tels que les propose l’interprète donnent utilement vie à des pages qui, sans cela, eussent paru un brin fadasses. L’Allemande est prise, et c’est heureux, avec plus d’élan et de sautillements que le « Quasi maestoso » laissait craindre pour ses deux reprises. La Courante n’est pas spécialement prompte ; en revanche, elle sautille utilement, tant grâce au détaché que par l’intérêt porté au trampoline des sauts d’octave. La Sarabande, « Lento », profite du son que l’artiste tire de son violoncelle Wilbert de Roo (2007), avec un plaisir qui pourrait expliquer le recours important au ritardendo et aux lentes ornementations. Clairement, cette version n’est pas destinée aux passionnés de la bousculade et de la compromission : Jean de Spengler souhaite rendre hommage à la partition et à son outil de travail. Cela n’exclut pas les frétillements. La célèbre double Bourrée est plus allègre que « moderato », ouf ; le contraste entre ses deux segments est rendu avec soin. La Gigue semble hésiter entre le vivace et le feeling ; et cette oscillation fait le prix d’une exécution qui, grâce à cette indécision réfléchie, se trémousse avec pertinence… et sans oublier de respirer.
Le Prélude de la Quatrième suite en Mi bémol fait scintiller le violoncelle des graves aux aigus grâce à de structurants sauts de double octave, au risque de la justesse (2’35) mais certes pas au détriment d’une liberté à la fois aérée et décidée. L’Allemande, interrogative, oscille entre ondulations proximales, je tente, et sautes de double octave. Jean de Spengler prend le temps de profiter des deux dynamiques en y ajoutant des dilatations de tempo libres et bienvenues. Bien que l’on reste perplexe devant le choix de laisser des inspirations inutiles (disque 2, piste 8, 5’05) ou devant certaines appoggiatures (Courante, deuxième temps mesure 4), on se laisse séduire par la façon dont Jean de Spengler propose de swinguer l’alternance entre binaire dans une mesure à trois temps… et ternaire dans cette même mesure. Cela fait mieux résonner la lenteur de la Sarabande à l’allant volontiers pointé et rythmé par des doubles ou triples cordes. Les deux Bourrées, pour basique que soit leur charpente, ne manquent certes pas de peps non plus, l’interprète faisant frémir tant les séries de doubles qui se suivent que les phrases dont l’on peut suspendre la venue – sans pour autant effacer la question : toutes les reprises, lorsque l’on reprend une bourrée où l’on a déjà joué toutes les reprises à l’aller, sera-ce pas trop de reprises ? La Gigue est prise, cette fois, pied au plancher, quitte à ajouter des notes pour renforcer le mouvement (0’05, et non à 0’26, lors de la reprise : spécificité du live plus que de la musicologie ?). Il y a de la jubilation dans cette manière de rebondir, d’attaquer les évolutions de la phrase et de risquer l’archet aux limites de la note et à le tirer du bon côté moins par la grâce de l’exactitude que de l’énergie, des nuances et du mouvement : que demander de plus à une version live… si ce n’est, par exemple, le nettoyage des fins de patch (piste 12, 3’05) ?
Avec la Cinquième suite en ut mineur, on entre dans le domaine conceptuel de Johann Sebastian Bach. Alors que les séquences s’allongent (on passe de 20′ à 30′ par ensemble), la question de l’instrument se pose de façon sans cesse plus aiguë. Dans la Cinquième, le violoncelliste doit « descendre sa première corde au sol » au lieu du la (oui, l’« au lieu du la » et non « l’odieux Lula », comme c’est drôle, bref). Le Prélude, à double tempo, multiplie les doubles cordes et creuse les sautes d’octave comme pour mieux profiter des possibles de l’instrument. Jean de Spengler joue sans presser, tendant son propos vers le temps fort sans souci excessif de la durée théorique de la mesure. Cela libère la musique d’un carcan rythmique pour préférer le suc vital à la rigueur sclérosante. (Si, quand j’ai écrit cette phrase, j’ai cru qu’elle voulait dire quelque chose ; mais il est vrai que, à la relecture, maou.) L’Allemande continue d’explorer, avec lenteur, le vaste spectre accessible à un instrument à large tessiture, accompagnant le thème de maints accords et appoggiatures contribuant à l’intérêt d’une pièce vibrante mais qui privilégie parfois la beauté du son au charme de la tension. La Courante est attaquée avec une allégresse et une tonicité qui, pour unifier les nuances, n’effacent pas l’effort de tonicité que consent l’interprète. Par contraste, la lente Sarabande n’hésite pas à poser autant le tempo que le son volontiers détimbré – do aigu à 0’05, plus proche du si, à comparer avec le même à 0’50, plus proche du do dièse, par exemple, ou sol trrrrès pianissimo à la reprise, 0’46. Nulle question technique, ici, mais, à l’évidence, un désir de faire vivre le son au détriment d’une illusoire perfection plastique. Les Gavottes confirment ce souci de rendre l’esprit des pièces autant que leurs notes, que ce soit pour la première, plus posée, ou pour la seconde, résolument déliée. La Gigue n’hésite pas davantage à privilégier « allegretto » le mouvement sur la lettre, notamment à travers des points d’orgue sur les phases culminantes, comme des pauses au sommet d’un grand huit. Cela confirme que cette version s’adresse en priorité aux tenants d’un Bach pour interprète plus qu’aux rigoristes tenant à l’exactitude et à la régularité magique.
La Sixième suite en Ré a sans doute été composée pour un autre instrument que le violoncelle, mais on sait pas trop lequel. Assurément un truc avec cinq cordes, pas quatre. Jean de Spengler qui, en dépit de sa carrière brillante, doit être un peu foufou, au moins les soirs de pleine lune, l’a été doublement dans le cadre de ce projet : il a commandé un instrument spécial copié par le luthier qui a créé son violoncelle, folie un ; folie deux, il a travaillé dessus et a renoncé à l’utiliser car ça manquait de graves. Autant dire que cette série, à peu près impossible à jouer, notamment dès le Prélude, sur un instrument normé, est le point culminant d’où l’on a hâte de jauger, non sans vice, le zozo qui s’y aventure.
Jean de Spengler la prend à bras-le-corps, cette suite. Dès le troisième temps de la troisième mesure, il marque sa présence en ajoutant une croche pointée pour détricoter la régularité attendue. Croyez-moi sur parole : le choix du swing ne va pas s’arrêter là. Quand d’autres préfèrent énoncer doctement cet Allegro moderato, ici, l’interprète s’emploie à le balancer, quitte à feindre de trébucher (0’27), mais sans craindre les aigus très bien sonnants de son instrument. On se réjouit des accents qu’il pose, énergisant de la sorte un discours d’une rare richesse et dont les traits les plus évidemment virtuoses galvanisent le musicien. L’Allemande, résolument aiguë, est jouée sans hâte et sans rigorisme ; ainsi contraste-t-elle plein pot avec une Courante lâchée prompte et surtout fougueuse. Cela exonère l’artiste des remarques de gourmandeurs pointilleux qui dénonceraient tel passage comme à 3’28 « où certaines notes semblent savonnées » car, pfff, c’est du vivant ; partant, ce qui compte, c’est que la musique transmette l’émotion de l’énergie – si, en plus, elle permet au pseudocritique de feindre d’avoir pieusement tout écouté, il doit en être tout ébaubi, l’idiot. La Sarabande en 3/2 avec ses étonnantes séquences de trois à quatre notes arpégées n’empêche pas l’artiste, malgré le danger théorique du concert, de faire l’effort de la nuance, fût-ce ponctuellement au détriment du mimi tout plein – du coup, l’on entend sans doute ici la sarabande la plus palpitante de la livraison. Or, pas le choix : faut aussi pétiller pour les Gavottes, avec leurs arpèges hénaurmes et obsédants (I) ou leurs accords à pédale (II). On apprécie que la dernière Gigue soukousse non seulement parce que les contrastes pulsent mais aussi parce que les nuances sont toujours aussi soignées et parlantes.
En conclusion, cette version des cinq suites pour violoncelle plus une a beau paraître sous une enveloppe fort sage, elle n’en valorise pas moins une personnalité investie dans son projet, convaincue par ses choix, habitée par le souci de faire passer non pas un monument mais une musique vivante, vibrante et désirable. On a connu pires options pour envisager ce fabuleux trophée des violoncellistes !
Bertrand Ferrier
Musiksen (mars 2019)
Du Bach sans histoires
Co-soliste à la Philharmonie de Lorraine à Metz puis à partir de 1983 violoncelle solo de l’orchestre de l’Opéra National de Lorraine à Nancy, Jean de Spengler vient d’enregistrer les six suites pour violoncelle seul de Bach. Il les qualifie tout naturellement de « bréviaires des violoncellistes » : beaucoup les ont étudiées, moins nombreux sont ceux qui ont osé les aborder en concert. Lui-même en a eu très tôt la révélation grâce à André Lévy, son premier maître, qui s’épanouissait « dans la confidence et la mélodie », et les a étudiées dans les années 1970 avec André Navarra, grand virtuose « pouvant être comparé à un chanteur d’opéra ». Il sait ce qu’est l’approche « baroque » de ce répertoire : c’est elle qui vers la quarantaine l’a encouragé à se replonger dans ces suites, avant de ressentir, vers la soixantaine, que la démarche historique n’était pas naturelle. Dans ces trois CD, il ne cherche pas à jouer la musique comme on suppose qu’elle l’était du temps de Bach, mais à transmettre son message aussi fidèlement que possible. Les Préludes, Allemandes et Sarabandes « pensent », sont ici, comme rarement, autant de méditations, alors que c’est avec un sens très poussé de l’articulation que les Courantes, Menuets (ou Bourrées ou Gavottes) et Gigues divertissent tout en sachant émouvoir. Pas question pour la suite en ré majeur n°6 de viola pomposa, mais un instrument classique à quatre cordes d’une belle chaleur sonore.
Marc Vignal
MUSICWEB INTERNATIONAL (April 2019)
Johann Sebastian BACH (1685-1750)
Six Suites for Solo Cello
Jean de Spengler (cello)
rec. live, March-May 2018, Chapel of the Château de Lunéville
FORGOTTEN RECORDS FR1575/7 [3 CDs: 163:52]
This excellently presented set contains a booklet interview between cellist Jean de Spengler and Alexis Galpérine, the set’s artistic supervisor, in which they discuss the Cello Suites at length. Spengler’s teacher was André Lévy who recorded the suites in 1962 at the age of 67 and he also studied them with Andre Navarra, whose 1977 recordings I reviewed. He confronts with directness and honesty the dilemmas posed by historically informed performances – some of which he adopted in previous encounters with the suites – and by his ultimate resolution to perform them in what I suppose one could term the traditional manner. He nevertheless considers his experiments with HIP to have been an invaluable stepping stone.
The suites were recorded two-by-two in front of an audience – hardly at all audible – followed by patching sessions. This gives a sense of focus to the performances. What is also evident is the expansive nature of the readings, causing there to be three discs, an unprecedented state of affairs in my experience. It’s clear that he is far from Lévy’s own conception., much less Navarra’s in respect of the music’s dynamism. Very rightly, de Spengler, now that he is 60 and a long-established orchestral principal and chamber player, is very much on his own personal journey.
His care for the music is clear from every bar, as is his characterisation of the various movements. This is particularly clear from the Preludes and Sarabandes; the former invariably highly reflective and laden and the latter subject to tonal and timbral differentiation. It’s noticeable that the Sarabandes in particular transmit a very evocative sense of introspection, through variations in colour and weight. For de Spengler the suites seem to become narrative super-structures, none susceptible to the kind of dance imperatives that cellists now find de rigeur. In fact, the music’s density, the fact that phrases taper and sometimes stop, that lines are often rigorously broken up, seems to suggest that de Spengler views the music horizontally and not vertically.
The problematic sixth sonata is subject to what is surely the slowest performance on disc at 36-minutes – and indeed each of the other suites is slower than almost every other performance I’ve come across. Normally tempo in itself is not necessarily a concern, especially when the results are, as here, consistently applied. But what the listener cannot escape is a micro-focus so absorbed that fluidity is sometimes drained away.
The recorded sound in the beautiful and acoustically impressive Chapel of the Château de Lunéville is splendid. So too, as noted, is the colourful and interesting booklet note. De Spengler’s performances are highly personal and personalised. The effect, to me, is one of a musician communing with the music - but communing also with himself – and threading through its fabric with deliberation.
Jonathan Woolf
L'EDUCATION MUSICALE 2019
J.S. BACH : Suites pour violoncelle seul. FORGOTTEN RECORDS (www.forgottenrecords.com ). Fr 1575-7. 2018. 3 CD : 44’ 07 ; 53’ 22 ; 66’ 23.
En 2018, Jean de Spengler — premier violoncelliste solo à l’Orchestre symphonique et lyrique de Nancy — a enregistré une version très personnelle des redoutables Suites pour violoncelle (BWV 1007-12) de J. S. Bach, lors de concerts dans la Chapelle du Château de Lunéville contemporain de ces œuvres et en public, ce qu’il considère comme « une partie intégrante du processus d’interprétation » (idée à retenir). Entendues dans sa jeunesse, il les avait ensuite étudiées avec André Navarra. S’imposant par sa grande rigueur, il ne fait aucune concession à la facilité et réussit merveilleusement à faire passer l’émotion (bien entendu, sans legato ou vibrations romantiques). L’enregistrement en concert a été légèrement remanié à la suite d’un orage. J. de Spengler joue un violoncelle de Wilbert de Roo (copie d’un Stradivarius). Sa réalisation, sous le Label FORGOTTEN RECORDS faisant honneur à l’école française de violoncelle, ne sera certes pas oubliée.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019
MUSICOLOGIE.ORG (9 mars 2020)
Jean de Spengler, le violoncelle, Bach et la suite
Jean de Spengler a étudié le violoncelle avec André-Lévy (1894-1982), à l’École normale de musique de Paris et avec André Navarra à la Hochschule für Musik de Vienne. Par la suite il est accaparé par son pupitre de violoncelle solo à l’Orchestre de l’Opéra de Lorraine et par le succès international du quatuor Stanislas, qu’il forme en 1984 avec des solistes de son orchestre nancéen.
Beaucoup d’eau est passée sous les ponts depuis que ses maîtres l’ont initié à ces suites, incontournables depuis Pau Casals et les ont enregistrées, le premier en 1960 (Lumen puis Forgotten Records 2013), le second en 1977 (Calliope).
La vague de l’interprétation historique a soulevé positivement de nombreuses questions quant à l’adéquation entre les œuvres et leur interprétation, et a aussi modifié la technique et le goût des interprètes comme celui du public.
Revenant à la vie soliste et à ce monument que bien des violoncellistes estiment être une obligation de répertoire, Jean de Spengler s’est posé ces questions, jusqu’à se faire fabriquer un violoncelle piccolo à 5 cordes pour la 6e suite, a adopté des cordes en boyaux et un archet « baroque », mais au bout du compte, trouvant que cela pour lui était assez artificiel et d’une culture lui étant étrangère.
Il a donc fait ce qu’un musicien fait et a joué ces suites selon lui-même, la tradition et l’histoire dans laquelle il s’inscrit, lesquelles, pour y revenir lui aura donné du fil à retordre et matière cogiter.
Enregistrées en public au printemps 2018, en trois séances, au château de Lunéville, ces suites « à la romantique » ne manquent pas d’audace et de liberté.
Jean-Marc Warszawski.