Beethoven intégrale des quatuors à cordes

Paru le 12 décembre 2019 / Issued December 12. 2019

Forgotten Records fr 1701/8

 

 

L’intégrale des quatuors de Beethoven,

ou 25 ans de la vie d’un quatuor à cordes

 

propos de Jean de Spengler,  recueillis par Alexis Galpérine[1]

 

 

 

Le Quatuor Stanislas  a fêté ses 35 ans en 2019….

 

En effet, c'est environ un an après ma prise de fonction comme violoncelle solo en 1983, que j'ai enfin  pu réaliser mon rêve de fonder un quatuor à cordes avec des  collègues de l' Orchestre Symphonique  et Lyrique de Nancy, devenu depuis Orchestre de l'Opéra National de Lorraine. Cet ancrage local nous a garanti une grande stabilité, car rares sont les quatuors à pouvoir survivre uniquement de leurs concerts, et on ne compte plus le nombre de jeunes ensembles qui, après des débuts prometteurs, ont dû mettre la clé sous la porte  après que leurs membres se sont dispersés dans différents orchestres ou  conservatoires aux quatre coins du pays. Si le fait d'appartenir à un orchestre limite les possibilités de tournées aux seules périodes de congés, l'avantage  de n'avoir à gérer qu'un seul planning permet d'organiser un travail régulier et sérieux, condition indispensable pour développer sur le long terme un répertoire et un style de quatuor. Dès 1990, nous avons ainsi pu proposer une saison d'abonnement au sein de l'Ensemble Stanislas, structure associant le quatuor à un quintette à vent également issu de l'orchestre, qui a permis d'élargir le répertoire des concerts jusqu'à l'octuor, voire au-delà. Cette saison a d'abord eu lieu dans les Grands Salons de l'Hôtel de Ville de Nancy puis, à partir de 1992, salle Poirel, magnifique auditorium construit en 1889, à l'acoustique incomparable.

C'est dans cet écrin que le quatuor a pu bâtir un répertoire de plusieurs centaines d'œuvres, tout en menant une activité méthodique d'enregistrements, avec une discographie riche d'une cinquantaine de CD  en 2019. Cette activité s'est déployée dans deux directions différentes: d'une part  la redécouverte d'un répertoire français peu ou pas du tout connu, avec des premiers enregistrements mondiaux de Guy Ropartz ( intégrale des 7 quatuors), Jaques-Dalcroze, Maurice Emmanuel, Jean Cartan, Louis Thirion ou  Henri Sauguet. Enregistrés après avoir été joués en concerts, publiés pour la plupart chez Timpani, ces albums monographiques ont largement contribué à la reconnaissance internationale de ces grands musiciens injustement négligés.

D'autre part, les captations de concerts: depuis le début des années quatre-vingt-dix,  presque tous les concerts de l'Ensemble Stanislas salle Poirel sont en effet enregistrés dans les meilleures conditions, constituant une réserve de plusieurs centaines d'œuvres. C’est en puisant dans ce fond que  Forgotten Records a publié depuis 2014 plus d'une dizaine de CD , le plus souvent consacrés à des œuvres du grands répertoire: Beethoven, Schubert, Brahms, Dvorak, Debussy, Ravel etc.

 

 

 

Pourquoi les quatuors de Beethoven?

 

Tout comme les six Suites de Bach pour les violoncellistes, les 17 quatuors de Beethoven constituent le Graal des quartettistes. En effet, ce qui frappe le plus au sein d'un répertoire pourtant riche d'innombrables trésors, c'est que pas un seul de ces quatuors ne peut être considéré comme inférieur aux autres, ils forment un bloc de 17 chefs d'œuvre absolus! C'est sans exemple dans l'histoire de la musique, aucun de ses prédécesseurs ou de ses successeurs n'ont réalisé un tel exploit. Beethoven a bien sûr figuré dès le début au répertoire du Quatuor Stanislas, avec l'opus 18 no1 au programme du premier concert à Nancy le 15 octobre 1984. Ont suivi jusqu'en 1994 l'opus 18 no4, l'opus 59 no2, et le 14ème opus 131, que nous avons beaucoup joués en France et à l'Etranger. Mais c'est seulement en 2006 que nous avons décidé d'entreprendre l'intégrale des  quatuors  répartie sur plusieurs saisons, à raison d'environ trois quatuors par an, projet achevé fin 2012, à l'exception de la Grande Fugue.

Même si l’idée d'une publication discographique ne nous avait à aucun moment effleuré l'esprit, tous ces quatuors ont été  comme d'habitude soigneusement captés par les micros. C'est seulement en 2018, alors que j'étais en train d'enregistrer les Suites de Bach pour Forgotten Records, que son directeur Alain Deguernel, ayant écouté par hasard quelques-uns de ces enregistrements, manifesta le désir de publier cette intégrale "live". Tout d'abord dubitatif, j'ai soigneusement réécouté chacun de ces quatuors, dont les captations s'échelonnaient sur une vingtaine d'années. Je n'en ai été que plus surpris par l'impression d'unité se dégageant de ces interprétations, renforcée par l'unité de lieu (la salle Poirel[2] ), ainsi que par la qualité des prises de son, réalisées pour la plupart par Nicolas Lenoir, puis par Philippe André avec les mêmes microphones[3].

Fort heureusement, car c'était une condition sine qua non pour une éventuelle publication, la plupart de ces prises de concerts avaient été doublées par l'enregistrement de la répétition générale, permettant ainsi des corrections qui, pour limitées qu'elles fussent, n'en étaient pas moins indispensables: je pense en particulier à des quintes de toux caverneuses en plein milieu d'un sublime adagio, ou encore aux trombes d'eau qui se sont abattues un soir de mai 2012 sur la salle Poirel, rendant totalement inutilisables trois des six mouvements du 13eme quatuor! Par ailleurs, les aléas du concert ne sont pas toujours exempts d'incidents divers qui, pour bénins qu'ils puissent paraître dans le feu de l'action, peuvent être désagréables à l'écoute d'un enregistrement, fût-il « live ».

Pour autant, le but de cette publication ne pouvait être de prétendre à une perfection technique que seul  un enregistrement de studio aurait pu permettre au risque d'une certaine froideur, mais bien d’essayer de transmettre l'émotion produite par le concert, jusque dans ses imperfections.

 

Restait la Grande Fugue opus 133, initialement conçue par Beethoven comme Finale du 13eme quatuor opus 130, avant qu'il n'en écrive un nouveau sous la pression de son éditeur, épouvanté par cet objet non identifié, qui reste encore largement incompris de nos jours. Comme c'est ce second Finale que nous avions joué en 2012, il a été décidé de programmer la Grande Fugue en mai 2019, permettant ainsi de compléter cette intégrale.

Quels sont les musiciens qui ont participé à cette intégrale?

 

Si l'on songe que 25 années séparent la captation du quatorzième quatuor et celle de la Grande Fugue, on peut s'étonner de la relative stabilité de l'effectif du Quatuor Stanislas sur un quart de siècle: en effet, Laurent Causse (premier violon depuis 1989) et moi-même  (violoncelliste  depuis 1984),  avons participé à toute l'intégrale. Depuis 1986, seuls deux seconds violons se sont succédés: Gee Lee jusqu'en 2003, qui a enregistré les quatuors no8 et 14, puis Bertrand Menut tous les autres, à l'exception des quatuors no7 et 13; en effet, ayant dû suspendre son activité pendant quelques mois en 2012 pour des raisons de santé, il a été remplacé dans ces deux quatuors par Jean-Marie Baudour, également  soliste à l'orchestre de l'Opéra de Lorraine. Quant aux altistes, ils ont été également au nombre de deux depuis 1988: Paul Fenton, qui a assuré brillamment sa partie jusqu'en 2007, avant de plier sous le poids de la charge cumulée d'altiste du quatuor et de celle d'alto solo de l'orchestre. Il avait  donc été décidé à cette époque de faire appel à Marie Triplet, depuis peu titulaire de la classe d'alto du conservatoire de Nancy, de sorte que ces deux excellents musiciens ont alterné depuis en parfaite intelligence au pupitre d'alto du Quatuor Stanislas. Ils ont  contribué chacun pour moitié à cette intégrale, laquelle   apparaît ainsi comme le  reflet fidèle de la vie d'un quatuor à cordes sur un quart de siècle, avec ses aléas divers et variés.

 

Quelle est votre vision des quatuors de Beethoven, dans quelle filiation s'inscrit-elle?

 

On a l'habitude de regrouper ces quatuors, dont la composition s'étend sur une trentaine d'années, en trois grandes périodes: les six de l'opus 18 (1798/1800), les cinq dits "du milieu" (1806/1810), et enfin les cinq derniers quatuors plus la Grande Fugue (1825/1827). Si l'opus 18 peut être considéré comme un hommage à Haydn, les trois quatuors de l'opus 59  marquent une nette émancipation par rapport au modèle classique, tandis que les derniers opus se projettent loin dans le futur, laissant leurs  contemporains sur le bord du chemin. Néanmoins, ce qui est pour moi  le plus frappant, c'est que dès les premières notes du premier quatuor de l'opus 18, tout Beethoven est déjà là, sans concessions, d'un seul bloc. S'il semble se soumettre à la tradition, c'est pour mieux la dynamiter! L'exemple le plus éclairant en est le menuet cher à Haydn, que Beethoven transforme le plus souvent en scherzo, le dépouillant de toutes ses grâces "ancien régime" à grands renforts d'accents  sur les temps faibles et de rythmes syncopés. On reconnait bien là le révolté piétinant les bonnes manières. Il ne cesse d'ailleurs de nous surprendre, jusqu'à cette Grande Fugue qui a tant épouvanté ses contemporains. Ainsi, alors même qu'il atteint au sublime dans la plupart de ses mouvements lents (on songe à la déchirante Cavatine du 13eme quatuor), il nous en prive délibérément dans l'opus 18 no4, de même que dans l'opus 59 no3 ou dans l'opus 95.

Un constante s'impose cependant chez Beethoven, que les interprètes ne doivent jamais perdre de vue: chez lui le beau n'est jamais joli, la sentimentalité et le maniérisme n'ont jamais leur place. D'où la recherche d'une sonorité large et puissante, mais qui ne doit pas craindre d'aller jusqu'à une certaine âpreté si  l'expression l'exige.

Pour nous, le modèle insurpassable reste le Quatuor de Budapest, dont l'enregistrement de 1951 n'a pas pris une seule ride. Ces grands musiciens se réclamaient de l'héritage des Capet, eux-mêmes héritiers d'une lignée de quatuors français qui ont largement contribué à faire connaître les derniers quatuors de Beethoven, encore très peu joués dans la seconde moitié du XIXème siècle.

 

[1] Professeur de violon au Conservatoire National Supérieur de Paris, invité permanent depuis 1988 de l’Ensemble Stanislas

[2] Sauf pour le no11, enregistré à l'Opéra National de Lorraine, la salle Poirel ayant été fermée pour travaux en 2008.

[3]  A l'exception du no14 opus 131

Revue de presse: 

MUSICWEB INTERNATIONAL (June 2021)

Ce n’est pas la première fois que je découvre le Quatuor Stanislas. En 2018, j’ai écrit une chronique sur l’intégrale des quatuors d’Henri Sauguet. D’autres CD présentaient la musique de chambre de Louis Thirion et de Jean Cartan, et les quatuors de Joseph-Guy Ropartz. Avec la parution de l’intégrale des quatuors de Beethoven, ils sont en territoire familier et solide. L’ensemble fut fondé en 1984, et cette parution coïncide avec son 35ème anniversaire  en 2019. Ces enregistrements de concerts ont été réalisés dans deux salles, la salle Poirel et l’Opéra national de Lorraine, entre 1994 et 2019.

Pour avoir écouté les quatuors de Beethoven de nombreuses fois au cours des années, je suis frappé de voir à quel point ils nous sont intimes (…)  Elégants et raffinés, les deux premiers quatuors en fa majeur et en sol majeur transmettent un charme haydnien, et le Quatuor Stanislas les interprète avec raffinement et élégance, particulièrement dans les mouvements lents, où le lyrisme est souligné avec éloquence. Le premier mouvement du no5 en la majeur est vigoureux et athlétique, et Laurent Causse au premier violon en tient avec légèreté et fluidité la ligne virtuose. Par contraste, le premier mouvement du quatuor no4 en ut mineur apparaît sombre et ruminant, les interprètes en maintenant constamment la tension et le caractère dramatique.  

En progressant dans les quatuors de la période intermédiaire, nous découvrons une musique plus puissante et profonde. Ces œuvres de dimensions plus imposantes  incluent les trois quatuors de l’opus 59, ainsi que les opus 74 et 95. Ils ne sont pas seulement psychologiquement plus intenses, mais sont aussi plus exigeants sur le plan technique pour les interprètes. Les quatuor de l’opus 59 furent commandés par le prince Razoumovsky, ambassadeur de Russie à Vienne  et grand mécène. Le premier est mon préféré. Le Quatuor Stanislas adopte des tempi confortables, et joue avec souplesse et un véritable sens du but à atteindre. Le troisième mouvement ( Adagio e mesto), par ses qualités émotionnelles et mystiques , est le véritable cœur de l’œuvre.  Un jour nouveau éclaire le Final à la saveur russe , interprété avec verve et vigueur. Des deux quatuors suivants, l’opus 95 me semble un des plus difficiles à défendre. Il est structurellement plus compact, et le discours des cordes sonne plus ténu. Néanmoins, cette lecture est convaincante par son intensité dramatique. Le deuxième mouvement Allegretto est particulièrement remarquable pour sa tendresse. Après le Larghetto espressivo introductif du Final, l’ensemble va vraiment au fond des choses, produisant un jeu puissant et  accentué.

Les cinq derniers quatuors explorent de nouvelles voies, et,le compositeur allait révolutionner le genre dans ces œuvres sublimes. Elles l’ont occupé tout au long des deux dernières années de sa vie. Le Quatuor Stanislas investit ces œuvres avec une véritable vision interprétative et une musicalité impeccable. Dans le no14 en ut mineur opus 131, nous sommes guidés tout au long des sept mouvements  dans un impressionnant   voyage. De même, l’opus 132 en la mineur cours vers sa fin avec une  implacable logique. La Grande Fugue est tendue, précises et concentrée. En fait, tout le spectre des émotions humaines est présent dans ces chefs d’œuvre tardifs.

Ces interprétations extraordinairement satisfaisantes restituent pleinement le saisissant frisson du concert, et ne sont en rien perturbées par des bruits extérieurs à la musique. Magnifiquement présenté, le coffret présente un beau livret en français et en anglais.

Stephen Greenbank

 

MUSIKZEN (juin 2020)

Fondé en 1984 à l’initiative de Jean de Spengler, juste après sa prise de fonction comme violoncelle solo à l’Orchestre Symphonique et Lyrique de Nancy, devenu depuis Orchestre de l’Opéra National de Lorraine, le Quatuor Stanislas a donné en trente-six ans plus de mille concerts, en « formation quatuor » ou dans le cadre élargi de l’Ensemble Stanislas. Il a joué et gravé un répertoire peu connu, dont les sept quatuors de Guy Ropartz, actif à Nancy de 1894 à 1919. Rares sont les Quatuors qui, comme lui, ont vécu uniquement grâce à leurs concerts, à partir de 1992 principalement dans la salle Poirel, construite en 1889 et restaurée en 1999, à l’acoustique incomparable. Des activités des Stanislas témoigne cette intégrale des quatuors de Beethoven, enregistrée (avec comme modèle le Quatuor de Budapest) en concert dans cette salle (exception faite du n°11 opus 95) de 2003 à 2015 (à l’exception du n°14 opus 131, capté dès 1994). Interprétations live donc, non sans quelques corrections (comme la suppression de quintes de toux intempestives) rendues possibles grâce à l’enregistrement aussi des répétitions générales. Sont tout à fait perceptibles l’émotion et surtout la tension produites, par-delà leurs imperfections, par des exécutions de concert, avec mention spéciale pour le n°7 opus 59 n°1 ou encore  le n°13 opus 130. Seuls deux musiciens ont participé à toute cette intégrale, le premier violon et le violoncelliste-fondateur. On a ici, avec ses aléas, le reflet fidèle de la vie d’un quatuor à cordes durant un quart de siècle.

Marc Vignal

DIAPASON (Septembre 2020)

(...) Captée pour l'essentiel en concerts, ces exécutions, grevées des aléas du live, sont presque toujours emplies de tension et de ferveur. Il n'est pas question de les comparer aux intégrales, plus achevées techniquement, qui trônent au sommet de la discographie (Budapest, Juilliard, Italiano, Berg, Artemis), mais elles méritent d'être saluées pour la leçon d'engagement et d'humilité qu'elles délivrent.

Les quatuors no1,6,7,13 et 15 sortent du lot, tant sur le plan de lectures à la fois énergiques, introspectives et mesurées, que sur celui d'un approfondissement rythmique. Les passages denses et perilleux (tels les trois premiers mouvement du 7ème, l'Adagio du 12ème, le premier mouvement du 13ème ou le Chant de reconnaissance du 15ème) sont plutôt réussis. 

Quoi qu'il en soit, le Quatuor Stanislas sait rendre touchante, sans jamais l'édulcorer, la violence souvent âpre, aride et contrastée qui caractèrise ces dix-sept chef-d'oeuvre.

Patrick Szernovicz

 

 

CLASSICA (octobre 2020)

Formé en 1984 et constitué de membres de l'Opéra National de Lorraine, le Quatuor Stanislas s'est illustré à plusieurs reprises dans le répertoire français, gravant des pages confidentielles, voire inédites, de Ropartz et Thirion (Timpani), ou Jaques-Dalcroze. En parallèle, l'ensemble s'est régulièrement produit sur  scène à Nancy, à l'Opéra et à la salle Poirel, lors de concerts enregistrés dédiés au grand répertoire du quatuor à cordes. C'est à partir de ce fond que les Stanislas présentent aujourd'hui cette intégrale, à rapprocher, par son classicisme apollinien, de celle des Budapest et des Berg, plus que du romantisme chaleureux des Talich. Ces archets robustes alternent les climats et les tempos avec pertinence, mlais il ne faut pas y attendre la perfection d'une captation en studio: ici un auditeur tousse, là les interprètes tournent une page, ailleurs l'intonation se fait moins précise.  On y trouvecependant  cette ambiance magique, propre au concert, le pouls battant, où chaque seconde semble inventer la suivante, entre fougue, engagement et prise de risque, livrant un portrait exhaustif du compositeur, des premiers quatuors haydniens à l’éclatement de la forme des opus tardifs.

Fabienne Bouvet (Classica, octobre 2020)

Bertrandferrier.fr

"....Par-delà ces clichés sur l’opposition entre concert et studio, l’écoute des quelque huit heures de musique est une photographie de la qualité paradoxale qui anime cette énième lecture des quatuors de Beethoven : la capacité qu’a la bande à  Spengler à penser le corpus comme un tout sans jamais s’abstenir de faire entendre la diversité des parties, tant dans l’ensemble du répertoire qu’à l’intérieur des quatuors les plus saisissants – ainsi des variations d’atmosphère ménagées dans le Seizième quatuor, dont le dernier mouvement se refuse – et c’est heureux – à l’univocité.
On se gouleye notamment, tant pis si ça ne veut rien dire,

  • d’un mélange de solennité et de sautillements (Allegro liminaire de l’op. 18 n°5),
  • d’un allant sachant éviter la précipitation (Allegro con brio tubesque de l’op. 18, n°6, voir vidéo supra),
  • de groove portée par manière de walking bass au mitan de l’Adagio molto e mesto du Septième quatuor ou par les pizz du violoncelle opposé à ses trois compères dans l’Andante con moto du Neuvième,
  • de sursauts dramatiques et de pétillance (si, si) de l’Allegro ouvrant le deuxième numéro de l’opus 18, qui contraste avec les variations d’ambiance particulièrement soignées de l’Adagio cantabile 
  • et, pour poursuivre le focus sur le deuxième numéro de l’opus 18, l’on se gouleye de la légèreté du Scherzo et de son ornementation quand le tempo et les accents rendent à merveille l’indication d’esprit qui surplombe l’Allegro molto quasi presto, parcouru de dialogues toniques exécutés avec une efficacité jamais en repos.

À une échelle encore plus petite, on appréciera moult microattentions, parmi lesquelles

  • le soin porté aux différences d’attaque dans l’Allegro du troisième numéro de l’opus 18,
  • la capacité de scander les retours du fugato dans le scherzo du Quatrième quatuor, ou
  • l’art de différencier les séquences constituant des formes longues (telle la Canzona de l’opus 132, qui dure plus d’un quart d’heure dans une œuvre qui en pèse le triple), sans craindre de
    • poser le tempo,
    • jouer avec le silence,
    • varier les nuances et
    • mener avec fermeté les breaks.
    •  

Beethoven’s Quartets – the Complete recording

25 Years in the Life of a String Quartet

Jean de Spengler interviewed by Alexis Galpérine[1]

 

The Stanislas Quartet celebrated its thirty-fifth anniversary in 2019 …

Yes indeed, about one year after I became principal  cellist in 1983, I realized my dream of founding a string quartet with colleagues from the Orchestre Symphonique et Lyrique de Nancy,  which has since become the Orchestre de l’Opéra National de Lorraine.

The fact of being  members of the same institution  has granted a great degree of stability; very few quartets can survive only on their concerts , and countless young groups have been obliged to abandon after a very promising start, because their members became scattered throughout the country in a variety of orchestras or conservatories.  While belonging to an orchestra limits the possibility of touring  during time off from work, the advantage of having only one schedule to manage allows us to organize steady in-depth work, indispensable to developing a repertory and the style of our quartet over the long run.  As early as 1990, we were thus able to offer a subscription season within the Ensemble Stanislas which brought our quartet together with a quintet of wind instruments also from the orchestra, creating a repertory for concerts ranging to octets and even beyond.  The season was initially held in the Grands Salons in Nancy’s City Hall and, starting in 1992, in the salle Poirel, a magnificent auditorium built in 1889 with incomparable acoustics.

In this beautiful setting, the Quartet came to build a repertory of several hundreds of works, while recording constantly, to the point of reaching a discography of fifty CDs in 2019.  Our work focused on two different things:  on the one hand, a rediscovery of lesser-known or unknown French repertory with the world’s first recordings of Guy Ropartz (the complete set of 7 quartets), Jaques-Dalcroze, Maurice Emmanuel, Jean Cartan, Louis Thirion or Henri Sauguet.  Recorded after having been played in concert, released for the most part by Timpani, these single-composer albums brought international recognition to these unjustly neglected great musicians.

On the other hand, live recordings during concerts were an objective – from the early 90s almost all the concerts given by the Ensemble Stanislas in the salle Poirel have indeed been recorded in the best of conditions and they make up a collection of several hundred works.  Drawing on this collection, Forgotten Records has released over a dozen CDs since 2014, mainly centered on the greats:  Beethoven, Schubert, Brahms, Dvorak, Debussy, Ravel, etc.

Why Beethoven’s Quartets?

Just like Bach’s Six Suites for cellists, Beethoven’s 17 Quartets are the holy grail of quartet players.  The most striking thing about these quartets in a repertory so rich in countless masterpieces is that not a single one of them may be considered inferior to the others – they make up a set of 17 absolute treasures!  It was a first in the history of music, no other predecessor or successor carried off such a feat.  Of course, Beethoven was on the program from the very beginning of the Stanislas Quartet, with Opus 18 no.1 as the opening number of our first concert in Nancy on October 15, 1984.  Then, over the next ten years, came Opus 18 no. 4, Opus 59 no. 2, and the 14th Opus 131, which we played quite often in France and abroad.  But only in 2006 did we decide to undertake the complete set of quartets split over several seasons, at the rate of three per year, a project we completed at the end of 2012, except for the Great Fugue.

Even though the idea of releasing a discography had never crossed our minds, all the quartets had been carefully recorded by the microphones on a regular basis.  It was only in 2018, while I was recording Bach’s Suites for Forgotten Records, that its director, Alain Deguernel, who had happened to have listened to a few of these recordings, said he was interested in releasing the full “live” set.  I had my doubts at first, and I carefully listened anew to each of the quartets, whose recordings were spread over about two decades.  I was all the more surprised by the impression of a unity behind the performances, augmented by the unity of place (salle Poirel[2]), and the quality of the sound takes carried out by Nicolas Lenoir, then by Philippe André using the same microphones[3].

Quite fortunately, and this was the strongest condition in considering their release, most of the takes had been doubled by recordings of the dress rehearsals, so corrections, minor yet indispensable, were possible – notably the booming fits of coughing right in the middle of a sublime adagio or the driving rain which drenched the salle Poirel one evening in the month of May 2012, making three of six movements of Quartet 13 impossible to use!  Besides, the unpredictable aspect of concerts makes them liable to a variety of incidents which may seem innocent but can be unpleasant to hear in a recording, however “live” it may be.

Be that as it may, the goal of the release could not be to approach the technical perfection that only a studio recording can achieve at the risk of being too cold, but rather to attempt to transmit the emotion produced by the concert, including its imperfections.

The Great Fugue, Opus 133 remained.  It was initially written by Beethoven as the Finale of Quartet 13, Opus 130 before he was pressured into writing another one by his publisher who was frightened by what was an unidentified object which has remained misunderstood to a great extent until this day.  As it was the second Finale that we had played in 2012, we decided to schedule the Great Fugue for May 2019, thereby completing this set of recordings.

Who are the musicians who participated in this collection?

When you consider that 25 years went by between the recording of the fourteenth quartet and that of the Great Fugue, the relative stability of the group Stanislas Quartet over a quarter century may seem surprising – indeed, Laurent Causse (first violin since 1989) and myself (cellist since 1984) participated in the entire project.  Since 1986, only two second violins have been replaced:  in 2003, Gee Lee, who recorded Quartets 8 and 14, then Bertrand Menut, who did all the others, except Quartets 7 and 13.  When he was obliged to stop working for a few months in 2012 for health reasons, he was replaced in those two quartets by Jean-Marie Baudour, who was also a soloist in the Orchestre de l’Opéra de Lorraine. There have also been two violas since 1988:  first Paul Fenton, who excelled in that chair until 2007 when the burden of the dual role of violist in the Quartet and solo violist in the orchestra became too much for him.  At that point, Marie Triplet, recently name head of the viola class at the Conservatory of Nancy, was called in so that these two excellent musicians could alternate to fill the role of violist in the Stanislas Quartet in the most intelligent manner possible.  They have both contributed to half of this collection, making it a true reflection of the life of a string quartet over a quarter of a century, with its twists and turns.

What is your vision of Beethoven’s quartets and is there a school of thought you favor?

These Quartets are habitually split into three groups of periods ranging over thirty years of composition:  the six in Opus 18 (1798/1800), the five referred to as “the middle” (1806/1810) and finally the last five Quartets plus the Great Fugue (1825/1827).  While Opus 18 may be considered to be a homage to Haydn, the three Quartets in Opus 59 show a clear emancipation from the classic model, whereas the last opuses turn toward a different horizon, leaving their contemporaries behind.  Nonetheless, what I find the most striking is that all of Beethoven is already contained in the opening notes of the first quartet of Opus 18 in a single entity with no concessions.  Even if he seems to submit to tradition, it is only to demolish it all the better!  The most enlightening example is the minuet of which Haydn was so fond, which Beethoven takes and changes into a scherzo, stripping off its old-time “ancient régime” graces with heavy use of accents on unaccented beats and syncopated rhythms.  It is easy to detect the rebel trampling good manners.  He would not stop surprising his audience, up to the Great Fugue which so frightened his contemporaries.  For instance, while most of his slow movements are sublime (the heart-wrenching cavatina in Quartet 13 comes to mind), he deliberately deprives us of this in Opus 18 no.4, in Opus 59 no.3 or in Opus 95.

One permanent feature of Beethoven’s music, however, which must never be neglected by performers is that what is beautiful is never pretty and sentimentality and mannerism are out of place.  This necessitates striving for a large, powerful sound without fearing a degree of roughness if warranted for expression.

The uncontested model, for us, is the Budapest String Quartet, whose 1951 recording has aged perfectly.  Its great musicians claimed to be taking up the legacy of the Capets who themselves were the inheritors of a line of French quartets who contributed greatly to expanding the notoriety of Beethoven’s last quartets, which were still only played quite rarely in the second half of the nineteenth century.

 

[1] A violin teacher at the Conservatoire National Supérieur de Paris and regular guest of the Ensemble Stanislas since 1988.

 

[2] With the exception of no. 11, recorded at the Opéra National de Lorraine because the salle Poirel was closed for renovation in 2008.

 

[3] With the exception of Opus 131, no. 14.

 

 

MUSICWEB INTERNATIONAL (June 2021)

This isn’t the first time I’ve encountered the Quatuor Stanislas. In 2018 I reviewed their recording of the complete string quartets of Henri Sauguet. Other forays into recherché repertoire have included the chamber music of Louis Thirion, the Joseph-Guy Ropartz string quartets and the chamber music of Jean Cartan.

With this release of the Complete String Quartets of Ludwig van Beethoven they are on firm, familiar territory. The ensemble was founded in 1984, and this cycle was released to coincide with their 35th anniversary in 2019. It was recorded live in two locations: the Salle Poirel and the Opéra National de Lorraine, Nancy between 1994 and 2019.

Having listened to Beethoven’s quartets many times over the years, I’m struck by how intimate they feel. His predecessors Haydn and Mozart wrote wonderful quartets, but Beethoven took the genre to a new level, forging new ground in striving for his vision. Whilst the Op 18 early quartets are indebted to Haydn and Mozart, Beethoven’s fingerprints are there as he tries to discover his own voice. Elegant and refined, the first two in F major and G major convey a Haydnesque charm and the Quatuor Stanislas imbue them with refinement and elegance accordingly, especially in the slow movements where the lyricism is eloquently contoured. The opening movement of No 5 in A major is vigorous and athletic, and Laurent Causse on first violin keeps the virtuoso line light and buoyant. In contrast, the C minor’s first movement is sombre and brooding, and I’m taken by the way the players capture the tension and drama of the music. On the other hand, the gypsy swagger of the finale is both playful and tongue-in-cheek.
Progressing to the ‘middle period’ quartets, we encounter music with more potency and depth. These larger-proportioned works include the three Op 59 quartets, Op 74 and Op 95. They’re not only more psychologically intense, but exact greater technical demands from the players. The Op 59 set were commissioned by Count Razumovsky, a patron of the arts and Russian Ambassador in Vienna. No 1 is my particular favorite. The Quatuor Stanislas adopt comfortable tempi and play with flexibility and a true sense of purpose. The third movement is marked Adagio molto e mesto and its spiritual and mystical qualities make it the emotional heart of the work. A new day dawns in the Russian-flavored finale, which brims over with verve and vigour. Of the next two quartets, Op 95 seems to me to be one of the most difficult of the cycle to bring off. It’s more structurally compact and the string scoring sounds leaner. Nevertheless, this reading satisfies for its dramatic intent. The Allegretto second movement is particularly striking for its tender elements. After the Larghetto espressivo introduction to the finale the ensemble really dig in and produce some powerful, accented and hair-raising playing.
New paths explored characterize the five late quartets, and in these sublime works the composer was to revolutionize the genre. They occupied him for the final two and a half years of his life.  The Quatuor Stanislas invest their readings of these works with both interpretative insight and impeccable musicianship. In the String Quartet No 14 in C-sharp minor, Op 131 we embark on a remarkable journey as we are guided through all seven movements. Similarly, there’s a logical inevitability running the course of Op 132 in A minor. The Grosse Fuge is tight, focussed and precise. In fact, the whole spectrum of human emotion is to be found in these late masterpieces.

These immensely satisfying performances have all the gripping frisson that a live recording affords and, what’s more, they’re unhindered by extraneous noise. Superbly packaged, there’s a beautifully produced booklet in French and English.
Stephen Greenbank