Louis Thirion sonates

Paru en juin 2020 / issued June 2020

Forgotten Records

Co-production Forgotten Records / Ensemble Stanislas

 

 

Après le le trio pour piano, violon et violoncelle et le quatuor à cordes, dont la parution en 2015 avait  été saluée avec enthousiasme par la presse internationale, voici enfin les trois sonates magistralement interprétées par des artistes de premier plan, qui confirment que Louis Thirion est décidemment un très grand compositeur, tiré de l'oubli par l'Ensemble Stanislas.

Revue de presse: 

CLASSICA (septembre 2020) ****

La musique de Louis Thirion constitue un passionnant témoignage de la riche vie musicale de Nancy avant 1914, quand Guy Ropartz dirigeait le Conservatoire et Thirion enseignait l'orgue et le piano. Après 1920, il mit fin à sa carrière de compositeur, et on l'oublia. Les enregistrements du quatuor opus 10 par le Quatuor Stanislas et du Trio opus 11 par Wagschal, Païdassi et Van Kuijk (Timpani, 2015) firent découvrir bien plus qu'un talent provincial. Il avait su opérer la synthèse entre diveres tendances de son temps.

Laurent Wagschal, toujours prêt à s'embarquer pour des destinations rares, défend magnifiquement la sonate pour piano (1906). En la composant, Thirion a peut-être pensé à celle, immense, de Dukas, dont nous retrouvons ici, dans un cadre moins vaste, certains procédés d'écriture, et surtout un ton lyrique, voire héroïque. La Sonate pour violon et piano, créée en 1911 par George Enescu, nous révèle un compositeur au caractère trempé, soucieux d'utiliser pleinement les ressources de l'harmonie moderne sans renoncer à une ligne claire laissant bien percevoir la structure du discours. On retrouve Solène Païdassi, dont chaque nouvel enregistrement prouve la maturité et la musicalité. La Sonate pour violoncelle et piano (1912) intègre des éléments plus modernes sans se détourner de l'ésthétique antérieure. Le résulatat ne manque pas d'intérêt, d'autant que Henri Demarquette s'y montre convaincant.

Jacques Bonnaure

 

DIAPASON (octobre 2020) 5 diapasons

Destinée tristement singulière que celle de Louis Thirion. la destruction de sa maison et de ses partitions durant la Grande Guerre, puis le décès de son épouse en 1920 plongèrent ce disciple de Ropartz dans un silence créatif total jusqu'à sa mort en 1966.

Au quatuor à cordes et au trio exhumés par Timpani (cf no647), Forgotten Records ajoute trois sonates d'environ vingt-cinq minutes chacune. Celle avec violon (1911), avec un étonnant épisode central dans le mouvement lent, et celle pour violoncelle (1912) paient leur dette à Franck,celle pour piano (1906) à d'Indy. Le sens de la structure, les tournures et le charme très personnel font amèrement regretter le mutisme du compositeur à partir de ses trente-cinq ans.

Laurent Wagschal donne aux brefs mouvements de la sonate pour piano, la plus concise, son équilibre et sa réelle grandeur malgré sa brièveté. He,ri Demarquette confère à celle pour violoncelle un souffle généreux qui la place au rang de celles toujours trop méconnues de Magnard, Ropartz ou Vierne. Enfin Solène Païdassi, lauréate du Concours Long-Thibaud 2010, parcourt avec élégance la très singulière sonate pour violon. Une belle découverte.

Jean-Claude Hulot 

 

 

musicologie.org —— 24 janvier 2021

Les sonates de Louis Thirion, une musique et trois interprètes d'exception

Voici le CD d’une musique exceptionnelle pour au moins trois raisons.

La troisième est la part de mystère qui entoure le compositeur, qui est né en 1879 à Baccarat, près de la célèbre cristallerie où son père, organiste, est chef de musique. Il devient organiste, pianiste et compositeur au Conservatoire de Nancy, notamment sous la direction de son directeur Guy Ropartz qui fut par ailleurs un des élèves de César Franck. Les choses se passent plutôt bien, au loin de la capitale sans laquelle rien ne peut se faire ès arts. À ses à peine vingt ans, il passe directement d’élève à professeur, ses œuvres sont éditées et créées à Paris, par la Société nationale de musique, l’Orchestre Colonne, des solistes de premier plan. Musique de piano, de chambre, deux symphonies. Il est vrai que la presse parisienne n’en donne pas de grands échos. Il est mobilisé au cours de la Première Guerre mondiale, et ne posera plus une seule note sur son papier réglé. Il a trente-cinq ans.

Une perte de confiance dans l’humanité après la violente boucherie ? L’incendie de sa maison a Baccarat lors de violents combats et la perte de tous ses biens et manuscrits musicaux ? Le décès de sa première épouse en 1920 ? La marginalisation provinciale ? Mystère.

La première raison soulève un étonnement frustré, car il s’agit de la musique d’un très grand maître. Selon Jacques Tchamkerten, auteur du livret, la France tenait en lui son plus grand musicien. Le propos n’est pas ridicule, mais nous n’aimons pas ce genre de classement concurrentiel. En tout cas il y a bien là trois chefs-d’œuvre d’anthologie, par leur beauté, leur richesse, leur facture.

Louis Thirion est-il l’héritier de César Franck par Guy Ropartz ? Ce n’est pas évident, si ce n’est un romantisme d’inspiration germanique qui peut évoquer Robert Schumann ou Franz Liszt. Mais la virtuosité de plume, la clarté des expositions, la pureté des lignes, la maîtrise technique peut le rapprocher se Saint-Saëns ou de Maurice Ravel. On frisssonne aux terribles élans à décongeler les humeurs les plus récalcitrantes de la sonate pour violon et piano, on est attiré par le style narratif plus que mélodique qui dans ses explorations en fait une pièce de bravoure. La sonate pour piano confirme le romantisme avec un mélange de progressions harmoniques et de suspension impressionniste, la magnifique et originale toccata de la seconde partie, élargie dans la quatrième, où toute brume est levée. Même s’il y a de la lumière, l’œuvre de Louis Thirion n’est pas particulièrement joyeuse. La sonate pour violoncelle et piano, plus élégiaque mais aussi d'un modernisme plus radical que les pièces précédentes, n’aurait pas déplu à Dimitri Chostakovitch (il y a même une troïka) ni aux expressionnistes.

Louis Thirion a certainement l’oreille qu’on peut avoir à son époque, mais plutôt que d’influences, il faut parler d'exploration expressive, de richesse d’invention, d'imagination fleurissante, d'idées, d'une tension tantôt narrative, tantôt évocatrice (là on pense à Paul Dukas), sans aucun relâchement trivial, aucune articulation bricolée, dans un style souverain qui embarque quasi naturellement l'auditeur dans ses histoires musique, avec une heureuse surprise par épisode.

La seconde raison est la classe très supérieure et l’engagement des interprètes. Solène Païdassi et Laurent Wagschal sont déjà de (assez) vieux complices de papier à musique, ils ont voici une paire d’années, enregistré le trio. Un rodage qui n’est certainement pas pour rien dans cette réussite dont on rêverait le renouvellement sur scène.

Jean-Marc Warszawski.

MUSICWEB INTERNATIONAL ( July 2020)

When Louis Thirion was forty – the age when most composers have found their personal and unique voice, and are reaching their creative peak and maturity – tragic personal circumstances made him abandon composition and devote the rest of his life to teaching. He hailed from Baccarat, a small city in north-eastern France, famous for its crystal making. He learned his trade from Guy Ropartz, who taught him composition at Nancy Conservatory. In 1898, he was appointed Professor of Organ and Piano there. His career stalled when war broke out, and he embarked on a period of military service. In 1920 his wife died, and he was left single-handed to raise two young children. This led him to turn his back on composition, and thus the world was deprived of a fine composer. He lived until his mid-eighties.

The three chamber works featured here span seven years from 1906 until 1912, a period of intense inspirational creativity. The earliest work is the four-movement Piano Sonata, written in 1906, dedicated to Guy Ropartz and premiered in 1908 by Marie Panthès. Although I have not seen the score, I can only assume that it demands a commanding technique. Laurent Wagschall rises to the challenge admirably. The mood of the first movement is serious and shot through with impassioned intensity. There follows a scherzo-like movement, whose rhythmic ambiguity, where a motif which spans three beats is arranged in four-beat measures, gives a sense of uneasy forward momentum. The slow movement, marked Lent, reveals the composer’s melodic gifts. The relentless accompaniment confers an element of mystery over the landscape. The Sonata’s finale fuses energy with Lisztian bravura, ending the work with all guns blazing.

The Sonata for Violin and Piano was composed in 1911, and premiered in May the following year by George Enescu and Jean Batalla at the Société Nationale de Musique, an organisation dedicated to promoting the work of young French composers. It is set in three movements. The first draws back the curtain on sweeping romanticism, ardent and yearning, yet confident and life-affirming. The middle movement is in three sections. It opens with a tender mix of wistful lyricism and consoling embrace. Then, responding to more pressing ambitions, it veers off and struts a more keen gait. Towards the end, it returns to soothing melodiousness. The finale is optimistic, confident and contented; the piano part is quite virtuosic. Païdassi and Wagschal play with utter commitment, injecting plenty of personality into their playing.

A year later came the Sonata for Cello and Piano, which bears a dedication to Fernand Pollain, who debuted the work in Paris in March 1913 with Thirion at the piano. Once again, the concert was hosted by the Société Nationale de Musique. The long-spun doleful strains of the cello, accompanied by a delicate arabesque-like accompaniment, usher in the opening movement. Midway comes a meditative section, before a high-spirited conclusion. The middle movement is one of melancholic resignation. Glistening ripples on the piano, accompany the cello's Lent opening in the third movement. Eventually the sun breaks out, and the mood becomes more upbeat and genial. Both players perform with infectious zeal and enthusiasm.

The performances are warmly recorded. The booklet notes, in French and English, are packed with biographical information and analysis of the works. For those keen to explore, please do not hesitate, as there is much to simultaneously interest and stimulate. For the enthusiasts: I have previously reviewed a disc of Thirion’s chamber music and a recording of his Second Symphony. Both are rewarding.

Stephen Greenbank